L’épopée de la porcelaine : un film d’espionnage palpitant !

L’histoire de la porcelaine de pâte dure, superbe matière translucide d’un blanc pur et non rayable, commence en Chine. L’Orient gardera jalousement le secret de fabrication de cette céramique tant convoitée pendant plus de quatre siècles ! 

Coupe au Phénix, Production chinoise destinée à l’exportation en Europe, Chine, début du 18ème siècle, collection du Musée d’histoire de Nantes (France)

En 1295, avec le retour à Venise de Marco Polo, les Européens découvrent avec émerveillement et envie les raffinements de la porcelaine chinoise. En 1498, avec la découverte de la route des Indes par Vasco de Gama, les Portugais en deviennent les premiers importateurs en Europe. 

L’engouement pour ces céramiques à la finesse et à la translucidité sans égales ne cesse alors de croître dans toutes les cours européennes. Aussi, un vent de défi souffle dans ces cours : qui allait, le premier, percer le secret des artisans chinois ? À quel prince l’honneur et les bénéfices de la découverte de la porcelaine allaient-ils revenir ?

Un paragraphe sur le site de la manufacture de KPM Berlin résume aux hommes et femmes du 21e siècle que nous sommes l’importance de la porcelaine et du secret de sa fabrication en Europe au 18e siècle :

« L’an 1717, Auguste le Fort envoie 600 cavaliers saxons à Frédéric-Guillaume Ier, roi de Prusse, en échange de 151 pièces de porcelaine provenant des palais de Charlottenburg et d’Oranienburg. Dès lors, la valeur marchande de la porcelaine est fixée : Quatre hommes à cheval valent un vase ! »

Tout est dit !

Il est vrai que les Medici avaient déjà réussi au 16e siècle à produire quelques objets dans leur atelier florentin, mais il faudra attendre l’an 1710 en Saxe et la découverte de Johann Friedrich Böttger (1682-1719), chimiste de génie prisonnier de son souverain Auguste le Fort, pour voir apparaitre une production plus importante. C’est la naissance de la porcelaine de Meissen!

Détail d’une tasse couverte en porcelaine de Meissen, époque Marcolini (1774-1815). Ancienne collection L’Egide Antiques©.

 

Le secret, c’est le Kaolin ! Une argile réfractaire blanche qui, mélangée à du quartz et du feldspath et cuite à plus de 1.200 °C, rend la porcelaine blanche, très résistante et translucide. 

Par chance, les Allemands en trouvent dans leur sous-sol. Les Français attendront les années 1768-1769 pour découvrir dans les environs de Limoges, à Saint-Yrieix-la-Perche précisément, une poudre blanche que les femmes utilisaient pour nettoyer leur linge ! La damnation était enfin levée, alors que la France devenait en mesure de produire sa propre porcelaine sans les contraintes que représentent les importations coûteuses et hasardeuses du kaolin. Cela sonnera la fin de la production de porcelaine de pâte tendre, sauf à Sèvres ou l’on en produira encore jusqu’en 1804.

Néanmoins, cette porcelaine de pâte tendre, d’un blanc laiteux, rayable et produite sans kaolin, est très appréciée et recherchée par les collectionneurs actuels.  La valeur de ces objets rares ne cesse d’augmenter.

 

Une triboulette anse ronde, 4e grandeur, service du Duc d’Orléans, porcelaine de pate tendre de Tournai, vers 1787.

Aurélie Di Egidio

L’Egide Antiques à Bruxelles, 20 Aout 2021

Source : 

  • Faïence et porcelaine de Paris, 18e et 19e siècle, Régine de Plinval de Guillebon, éditions Faton. 1995.
  • www.kpmberlin.com
  • Limoges, deux siècles de porcelaine, Chantal Meslin-Perrier et Marie Segonds-Perrier, les éditions de l’Amateur, 2002.
  • Meissen ou l’invention de la porcelaine européenne, Dossier de l’art n°174, mai 2010, p 94-95 par Caillaud-de Guido Laurence.